Il est loin le temps où les dragons et les dragonniers régnaient en maîtres sur les cieux. D'abord décimés par des luttes intestines pour mieux jaillir à nouveau à l'assaut des nuages. On m'a dit que les choses auraient pu en rester là et que nous aurions été plus heureux que nous le sommes aujourd'hui, puis de vingt mille ans après la chute de l'Empire de Galbatorix. A l'époque, ils l'ont jugé cruel et assoiffé de sang comme de pouvoirs. Qu'est ce que ces gens diraient s'il voyaient ce qui a été fait ? Ce que l'humanité a fait dans ses égarements ? Ils pleureraient sans doute, devant tant de gâchis. Devant les dragons morts dont les os blanchissent au soleil et devant ceux qui vivent encore, rongés par un mal impitoyable...

La première fois qu'il a frappé, cela a été pris comme un coup du sort ou bien les conséquences d'un sort tragique qui aurait échoué. Cela s'est passé il y a deux cent ans - un durée bien courte pour nous dont la vie a considérablement été rallongée par les progrès de la médecine - soit à peine dix ans passés depuis la guerre qui opposa les dragonniers et la plupart des magiciens à des férus de technologie, aveuglés par leur folie. Des jours où toute la nuit était constamment troublée d'éclairs et de grondements sourds et où le sang a plut à verse, mêlé aux fragments de métal fondu. On m'a dit que cette guerre devait de toute manière arriver un jour ou l'autre et que les dragonniers l'emporteraient. Après tout, ils avaient la magie à leurs cotés, cette même magie qui déréglait tous les systèmes de leurs ennemis. Et si les dragonniers ont bel et bien vaincu, ils se sont bien vite rendu compte qu'ils avaient clairement sous estimés la situation et que peut-être, on les avait laissé gagner.
Ce jour là, nous vîmes tous ces choses noires qu'ils appelaient vaisseaux s'élever majestueusement dans les cieux, au milieu d'une nuée d'oiseaux qui déversaient la foudre sur quiconque viendrait à trop s'approcher. Des dizaines de dragons périrent avant que l'on ne comprenne que l'on ne pouvait pas les arrêter maintenant. Les dragonniers leur avait laissé trop de temps et voilà que leurs ennemis s'échappaient sous leurs yeux et disparaissaient dans la haute atmosphère. Par la suite, nous avons appris qu'ils comptaient rejoindre les étoiles et cela a beaucoup fait rire. Comme si les étoiles pouvaient un jour être atteintes !

C'est dans cette vague d'euphorie que le dragon Arnar est mort, foudroyé en plein vol, son dragonnier également, comme c'était le destin pour nombre d'entre eux dans ce cas là. Tant et si bien que nul se sut trop ce qui s'était passé et que l'on oublia rapidement. Quelques années passèrent avant qu'un nouveau dragon ne meure lui aussi de la même manière qu'Arnar puis deux, trois. En quelques mois, ce fut la panique et les dragons durent rester cloués au sol. On tenta de soigner ceux qui étaient atteints de la manière traditionnelle mais cela ne fit que hâter leur mort. Alors nous nous tournâmes vers la médecine mais là, nous n'arrivâmes qu'à prolonger leur agonie.
Ce sont les Elfes qui ont les premiers trouvés la cause du mal mystérieux, il y a presque un siècle et elle nous remplît tous d'effroi en même temps que de désespoir. Ce qui tuait les dragons, c'était la magie qui coulait dans leur sang. Elle les empoisonnait, les consumait de l'intérieur et nous ne pouvions que les regarder mourir sans rien faire, sinon pour hâter leur fin. A cette même époque, l'un des dragonniers, osa parler de ce qui avait été tabou jusqu'à présent. Ceux qui s'étaient enfuis vers les étoiles étaient capables de prouesses dont nous étions incapables avec notre magie, a-t-il dit en ajoutant que peut-être, ce qu'ils avaient laissé derrière eux pourrait permettre aux dragons de survivre.

Une expédition fut donc montée et j'en fus. Je me souviens que lorsque nous nous sommes avancés plus profondément dans leur repère, je n'ai pu retenir un cri de stupeur. Comment avaient-ils donc pu cacher tout cela à notre nez à notre barbe ? Même nos espions n'avaient jamais parlé de toutes ces choses dont nous ne percevions même pas la fonction. Peut-être qu'en fin de compte, ils avaient réellement pu atteindre les étoiles. D'un coup, les rôles avaient été inversés et nous étions dorénavant les petits enfants qui doivent demander de l'aide à leurs parents, sauf que dans notre cas, les parents n'étaient plus là. Pire encore, il devaient nous haïr pour ce que nous leur avions fait et si jamais ils revenaient, peut-être que ce ne sera pas pour nous aider...